Démystifier le Droit de la Musique : Guide pour les Artistes Émergents

Piano synthesizer
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Aujourd’hui, on aborde un sujet différent de mes précédentes expéditions à Tomorrowland Winter et A State Of Trance. C’est un sujet non moins important, auquel se heurtent fréquemment les artistes. Lorsqu’on débute sa carrière dans la musique, on pense naïvement qu’il suffit de créer des sons, les labels vont nous signer et on va rapidement toucher des revenus à l’aide de ces derniers. Et bien, c’est plus compliqué que ça. Le droit en musique est relativement complexe et peut donner des maux de tête !

D’autant plus si vous vivez dans un pays comme la France, où on aime bien complexifier des concepts déjà difficiles à appréhender. Heureusement, en tant qu’artiste, votre rôle n’est pas de devenir un expert juridique. C’est plutôt le rôle de votre manager d’assurer que les contrats sont en ordre et que vous touchez les revenus qui vous sont dus. Néanmoins, une introduction à ces concepts vous sera toujours bénéfique.

Ableton live
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Introduction aux droits de la musique

Il existe une multitude de législations dans l’industrie de la musique, qui peuvent varier d’un pays à l’autre. Ici, nous allons nous attarder sur les essentiels pour que vous puissiez avoir les armes suffisantes pour comprendre les enjeux et vous préparer en conséquence. Pour bien prendre en main ce sujet, il faut assimiler qu’une œuvre musicale possède deux faces. On retrouve les droits sur l’œuvre musicale et les droits sur l’enregistrement sonore. Mais à quoi est-ce que cela correspond ? Et qu’est-ce que la synchronisation dont on entend parler ? Il est temps d’aborder ce sujet et de mettre un peu de lumière sur ces termes obscurs.

Les droits sur l’œuvre musicale

Plus communément appelés droits d’auteur, ces derniers sont effectifs dès la création de l’œuvre. Aucune démarche n’est nécessaire pour acquérir les droits d’auteur de sa musique. Ils concernent les auteurs et compositeurs. Ils se partagent généralement la moitié (50% pour les auteurs et 50% pour les compositeurs) des droits d’auteur de l’œuvre.

En France, ces droits sont administrés par la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique). Ses équivalents aux Etats-Unis sont l’ASCAP et BMI et au Royaume-Uni, il s’agit de la Performing Right Society. Ces sociétés se chargent de récolter les revenus liés à l’exploitation de vos compositions musicales. Pour cela, elles doivent être déclarées auprès de la société de gestion en détaillant le partage en % des droits d’auteur entre l’auteur et le compositeur. La société fera ensuite valoir vos droits suivants :

  • Le droit d’exécution publique : lorsque que votre musique est diffusée à la TV, radio, bars, clubs ou jouée lors de concerts et festivals
  • Le droit de reproduction mécanique : dès que la musique est reproduite sur CD, écoutée en streaming (Spotify, Apple Music…) ou téléchargée (Beatport, Bandcamp…)

Tout cela semble simple au premier abord, mais la déclaration et l’administration de ces droits peut être chronophage. En tant qu’artiste, même si vous avez peut-être un attrait pour l’aspect business de votre carrière, vous devez avant tout faire parler votre talent et créer de la musique. Entrent désormais en jeu les éditeurs (publishers en anglais). En cédant une partie de vos droits d’auteur à l’un d’entre eux (généralement 50%), celui-ci aura le rôle de générer des revenus provenant de l’exploitation de l’œuvre. Il se chargera de l’enregistrement auprès de la société d’édition. Il peut également prendre part au travail de promotion lié à la diffusion de l’œuvre. Bien sûr, vous pouvez vous charger de l’édition vous même, mais si vous souhaitez passer à côté de votre carrière, il y a des moyens plus rapides 😅.

Les droits sur l’enregistrement sonore

Lorsque vous enregistrez votre musique, vous disposez toujours d’une bande maîtresse, plus communément appelée Master. Cette bande maîtresse contient les arrangements effectués par le producteur (mixage, mastering, etc…). Cet enregistrement est donc la propriété de son producteur qui dispose de droits sur l’enregistrement. Ces droits on également de la valeur et peuvent vous apporter de l’argent si vous les avez bien déclarés.

Music Production
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La distribution

Désormais, il est temps de distribuer votre enregistrement sonore pour qu’il puisse être écouté et générer de l’argent. Que ce soit sur les plateformes de streaming, téléchargement ou via CD, Vinyls, il convient de faire appel à un distributeur. Il sera l’intermédiaire entre vous et les acteurs de la distribution physique et numérique. En échange d’une commission sur les ventes ou un frais annuel, le distributeur vous reversera les revenus qui vous reviennent en tant que propriétaire du master. Parmi les plus connus, vous retrouvez Distrokid, CD Baby, Emu Bands, Amuse

Les droits voisins

On évoque rapidement les droits voisins, cela peut paraître quelque peu complexe, mais c’est en réalité simple. Les producteurs et interprètes disposent également de “droits voisins aux droits d’auteur” intervenant au moment d’enregistrer l’œuvre musicale. Ces droits voisins ont pour but de protéger le travail des producteurs et interprètes en raison de leur apport financier et artistique sur la composition. Les droits voisins sont répartis à 50/50 entre les producteurs et les interprètes.

De la même manière que les droits d’auteur, les droits voisins se récupèrent en déclarant ses enregistrements auprès d’une société de gestion des droits voisins. En tant que producteur, en France, ce sont la SCPP (Société Civile des Producteurs Phonographiques) et la SPPF (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France) à qui il faut s’adresser. Ce sont les sociétés Sound Exchange et AARC qui s’en chargent aux Etats-Unis et PPL au Royaume-Uni.

En tant qu’interprète, vous devez vous inscrire en tant qu’interprète “vedette” ou “accompagnateur” auprès de l’ADAMI (Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes) ou SPEDIDAM (Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes-Interprètes) en France, Sound Exchange aux Etats-Unis et PPL au Royaume-Uni.

Le rôle des maisons de disques

Après avoir lu ces lignes, vous pensez certainement qu’il suffit de s’inscrire auprès des organismes appropriés, de distribuer ses musiques en ligne via Distrokid et le tour est joué. Mais quel serait donc le rôle des maisons de disques ? Sont-elles vraiment nécessaires ? Historiquement oui, les labels ouvraient les portes de l’industrie de la musique aux artistes. Une large organisation apportait les financements conséquents nécessaires pour prendre en charge la fabrication et la distribution des CDs aux différents points de vente. Aujourd’hui, suite à l’essor du streaming, le rôle des maisons de disques a fortement diminué. Alors, faut-il se passer d’un label et de se lancer en solo ?

Spotify app
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C’est la question que tout le monde se pose. La seule bonne réponse serait : ça dépend. Ça dépend de votre situation actuelle, votre style musical, votre stratégie, votre audience, votre présence sur les réseaux sociaux, etc… Bien sûr, vous pouvez vous charger de votre distribution par vous-même. Cependant, cela vous mettra en compétition avec des millions d’artistes ayant accès aux mêmes outils que vous. Si vous souhaitez vous démarquer, il faudra être créatif et avant-gardiste sur votre promotion.

Signer avec un label peut également être un tournant de votre carrière. Il investira en vous, assurera la promotion de vos titres, financera vos projets, vous programmera sur leurs soirées et ouvrira beaucoup de portes. En revanche, cela apportera son lot de contraintes. Certains contrats peuvent s’étendre sur plusieurs années et vous priver d’une part de votre liberté. Il faut suivre les règles du label, respecter leur calendrier de sortie, accepter de leur accorder l’exclusivité et de leur reverser une part conséquente de vos revenus. Comme je le disais auparavant, le choix dépendra de votre situation et du label en question ! C’est un sujet que vous devez aborder avec votre manager et votre équipe.

Le droit de synchronisation

Aussi appelé “clearer” ou “Libérer les droits”. Le droit de synchronisation consiste en l’action de libérer les droits d’une œuvre ou d’un enregistrement en contrepartie d’un frais, le “Sync fee”. Cela permet par exemple d’autoriser l’utilisation d’une musique pré-existante dans une production audiovisuelle.

Résumé sur les droits de la musique

Donc, en résumé, pour un morceau, nous avons deux faces. D’un côté, l’œuvre musicale englobe les paroles et la composition. De l’autre, l’enregistrement sonore, correspond à la piste master de votre enregistrement, incluant la production ainsi que l’interprétation.

Pour faire valoir vos droits, il est important de s’inscrire auprès des sociétés de gestion des droits d’auteur (SACEM en France). Le cas échéant, il faut également s’inscrire auprès des sociétés de gestion de droits voisins.

Pour vous aider à recevoir les sommes qui vous sont dues, plusieurs acteurs entrent en jeu :

  • Les éditeurs, dont le rôle est de collecter les revenus issus des droits de l’œuvre musicale.
  • Les distributeurs, qui permettent de distribuer votre musique et de récolter les revenus issus des droits d’enregistrement.

Puis nous avons les maisons de disques, qui peuvent être un véritable accélérateur de carrière, mais qui peuvent également bloquer vos ambitions et projets. Il est important de peser le pour et le contre avant de s’engager avec un label.

J’espère que les choses sont un peu plus claires. J’ai mis plusieurs années à comprendre ces concepts. Sans doute car dans la musique électronique, les compositeurs sont également producteurs. La composition est généralement créée sur le même logiciel que la production et l’arrangement. Tout cela devient très abstrait. Cela fait plus de sens lorsque, par exemple, un chanteur-compositeur fait appel à un producteur pour masteriser et enregistrer le titre. Je ne comprenais pas par exemple pourquoi les maisons de disques devaient également assurer la distribution et l’édition via une structure différente. Par exemple : Armada Music propose ses services de distribution et détient également Cloud9 Music pour l’aspect édition. Il est essentiel que des droits distincts s’appliquent aux différentes parties prenantes.